N’étant point un pays pétro-gazier, la Tunisie concentre ses efforts sur le développement du potentiel national en ressources énergétiques, notamment renouvelables, et en hydrocarbures. La stratégie nationale de développement du secteur vise la rénovation du dispositif législatif et réglementaire, la mise en place d’une gouvernance à travers sa réorganisation et l’instauration de règles de transparence et de concurrence pour assurer une meilleure visibilité aux opérateurs et aux consommateurs.
Ces dernières années, la gouvernance des activités du secteur des hydrocarbures a été souvent sévèrement critiquée. Les activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures dépendent en partie de la politique menée par l’Etat, qui est tout à la fois : stratège, autorité concédant, législateur, régulateur et partenaire des compagnies privées. Les opérations de recherche, de développement et d’exploitation sont réalisées par des compagnies privées, des sociétés à économie mixte ou des entreprises publiques.
L’entreprise publique est, depuis 1978, partenaire dans toute nouvelle activité d’exploration et de production des hydrocarbures, elle est parfois opérateur mais elle est considérée par les investisseurs privés comme le prolongement de l’Administration.
Depuis la révolution, —dont l’origine remonte au soulèvement des régions minières en 2008 contre la mauvaise gouvernance du secteur des phosphates—, «une attention particulière est actuellement portée à la gouvernance du secteur extractif», précise Mustapha Haddad, dans une étude sur la gouvernance dans le secteur des hydrocarbures élaborée conjointement par l’Association tunisienne du pétrole et du gaz et la fondation Konrad Adenauer Stiftung.
Selon les résultats du l’Indice de gouvernance des ressources naturelles (Resource Governance Index ou “RGI”), proposé par Revenue Watch Institute, la Tunisie a reçu la note «insuffisante» de 49 et se classe 28e sur 59 pays. Toutefois, «une bonne note concernant le cadre institutionnel et juridique contraste avec de mauvaises pratiques de divulgation et de faibles conditions générales de gouvernance».
Un secteur à surveiller
Au cours des dernières années, plusieurs analyses ont porté sur la gouvernance du secteur des hydrocarbures en Tunisie. La Banque mondiale, en l’occurrence, dans son rapport intitulé «Tunisie pour une meilleure gouvernance des entreprises publiques en Tunisie» de mars 2014, souligne que le poids des entreprises publiques dans l’économie tunisienne est important. «C’était le cas pour l’exploitation du phosphate, l’exploration pétrolière, la production de ciment et le raffinage du pétrole. Tunisie Télécom représente plus de 13% de la valeur ajoutée, suivie d’Etap. Les trois plus grands secteurs dans ce domaine (énergie et ressources hydrauliques, télécommunications et transports) accaparent plus de la moitié de la contribution dans le total de la valeur ajoutée de ces entreprises et établissements».
De par l’ampleur des subventions qu’il reçoit, de sa charge pour l’Etat et de la place qu’il joue dans l’économie, le secteur énergétique qui regroupe l’Etap, la Stir, la Steg et la Sndp «doit être tout particulièrement surveillé, même si dans les bilans de ces entreprises les pertes semblent limitées».
L’étude indique, par ailleurs, que « le fait de posséder des entreprises publiques dans ce secteur permet d’obtenir des subventions croisées qui masquent l’inefficacité de certaines d’entre elles. Ainsi, la société pétrolière nationale, l’Etap, importe du pétrole et du gaz pour le compte de la raffinerie du pays, la Stir, et l’entreprise responsable de la production d’électricité, la Steg. Afin de couvrir ses frais, mais sans véritable connaissance du système des passations de marché pour les importations, l’Etat transfère à la Stir la subvention aux prix des produits pétroliers et permet régulièrement à l’entreprise d’en importer. Ce modèle semble donc fort coûteux et assez peu transparent. Ce sont donc plus de 200 millions de dinars qui sont transférés de l’Etap à la Stir chaque année… Le montant est encore plus élevé pour le gaz naturel. Il s’élève à plus d’un milliard de dinars, car le montant de la subvention est supérieur de l’ordre de 90%. Au total, si la Stir et la Steg importaient respectivement le pétrole brut et le gaz naturel, plus de 1,2 milliard de dinars supplémentaires devraient être transférés aux deux entreprises».
La transparence : une priorité
Ainsi, la transparence dans le secteur des industries extractives est devenue, plus que jamais, une priorité pour une bonne gouvernance et la reddition des comptes.
L’opacité dans ce secteur risquerait, par ailleurs, de priver l’Etat de revenus essentiels pour le financement des services publics et des infrastructures nécessaires au développement du pays.
Néanmoins, «nul ne conteste le fait qu’en Tunisie la gestion du secteur pétrolier, en particulier, a été toujours conduite dans l’opacité aussi bien au niveau des relations avec les compagnies privées qu’au niveau de la gestion et de la collecte des revenus générés», selon l’Iace.
La Tunisie est invitée à renforcer davantage son engagement pour la transparence dans le secteur pétrolier en adhérant à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) qui est une norme internationale ayant pour but de promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources naturelles à travers des mesures visant notamment à renforcer les systèmes de gouvernance des entreprises extractives et d’améliorer l’accès des citoyens à des informations suffisantes et fiables.